All my history
« Les rumeurs sont vraies à ce que je vois. » Esthell mima un merde silencieux sur ses lèvres. Elle qui pensait avoir été discrète, elle venait de se faire prendre la main dans le sac. Ce n’était pas la première fois pourtant. Qu’elle parte dès le petit matin, laissant un inconnu seul avec pour seule compagnie, les souvenirs d’une soirée torride. Elle se retourna et afficha son sourire de charmeuse.
« Je suis désolée de t’avoir réveillé hu… » Il se mit sur ses coudes.
« Lukas. » Elle lui fit un clin d’œil, en signe de remerciements.
« Et je sais très bien que tu n’es pas désolée. Disons que là je t’emmerde fortement. Tu voulais partir sans me réveiller pour pas avoir à me parler le matin, ni prendre le petit-déjeuner. Et pourtant je suis debout. Alors t’es pas désolée. Embêtée peut-être, mais pas désolée. » Elle poussa un long soupir et lâcha ses talons qui tombèrent au sol avec un bruit sourd. Ca lui apprendra de sortir avec des mecs de section médecine. Trop intelligents. Elle s’assit sur le bord du lit.
« Ok c’est bon t’as compris Einstein. Tu veux une gommette ? » Le sarcasme marquait la voix de la jeune fille.
« Pourquoi ? » Elle fronça les sourcils. Esthell se mit sur ses coudes et observa d’un œil incrédule le jeune homme à demi-nu.
« Pardon ? » Il sourit.
« Pourquoi t’es comme ça ? A enchaîner les relations d’un soir ? Et ne viens pas me dire que ça te suffit. Ca ne suffit à personne. » Ok, c’était réellement fini les médecins.
Esthell était la fille de Richard Hawkins, avocat réputé et reconnu mondialement. Il avait gagné plus d’affaires qu’il n’en avait perdues. Sa femme n’était autre que la rédactrice en chef d’un magazine de mode. Autant dire que la famille Hawkins croulait sous l’argent. La petite ne manquait de rien. Si ce n’est de la présence de ses parents, ceux-ci étant toujours sur les routes pour des motifs professionnels. Les innombrables cadeaux comblèrent cette absence. Enfin du moins, en apparence. Ce n’était que du superficiel. Aucun cadeau du monde ne pourrait remplacer l’amour qu’un père et une mère porte à un enfant. Les petits moments du quotidien que les enfants passent habituellement avec leurs parents, Esthell ne les a jamais connus. Sa nounou tenta de les remplacer tant bien que mal. C’est elle qui l’éduqua, lui fit faire ses devoirs, était là dans les moments difficiles. Oui, c’est à elle qu’Esthell doit tout. Les rares moments où ses parents rentraient à la maison, Esthell était toujours remontée comme une pile électrique. Enfin elle pouvait leur montrer ses dernières trouvailles, leur montrer ses dernières prouesses. Elle voulait les rendre fiers. Et autant dire qu’ils l’étaient énormément. Comment ne pas l’être quand notre fille est première de classe ? Quand notre fille a obtenu le premier rôle pour une pièce de théâtre ?
« Un jour, j’ai vu un homme sortir de la chambre de ma mère. Tu te doutes bien que ce n’était pas mon père. Lorsque ma mère a remarqué que j’étais là, elle est venue près de moi et m’a demandé de garder le secret. Elle m’a expliqué que plus tard, je comprendrai. Ma mère était un exemple à mes yeux. Elle l’est toujours. Je crois que c’est une manière de me rapprocher d’elle. » Des bribes de souvenirs vinrent défiler devant ses yeux. Elle se rappelait avec une netteté étonnante le jour où elle comprit que sa mère était infidèle à son père. Et pourtant, elle l’accepta. Jusqu’à reproduire les mêmes actes de sa mère. La jeune fille n’a aucune notion de la fidélité. Elle voyait les amants défiler, sans jamais s’arrêter. Oui, plus tard, elle ferait comme maman.
« Tu n’es pas obligée d’être comme elle tu sais. Tu peux être différente. » Un léger petit rire la parcourut. Elle le regarda du coin de l’œil. C’est que pour un médecin, il était quand même vachement mignon. Elle fut tentée de laisser leur conversation là où elle en était et de se coller à lui tout en reprenant leurs activités de la nuit passée. Mais ce n’était pas dans ses habitudes. Et le changement, ce n’était pas pour elle.
« Tu peux pas comprendre, laisse tomber. » Lukas se rapprocha alors d’elle et posa sa main sur sa joue. Il plongea son regard perçant dans celui de la jeune fille. Et bizarrement, elle eut la certitude qu’il la comprenait. Elle rompit cet instant intense en baissant les yeux. Elle se leva en hâte, reprit ses talons et se dirigea vers la porte.
« Assez parlé ! Bonne journée Einstein. » Elle se détourna et posa sa main sur la poignée.
« Promets de faire un effort et de changer. Promets-le-moi. » Esthell posa sa tête sur la porte, exaspérée. Et pourtant, cet acharnement de la part du jeune homme lui réchauffait le cœur. Il avait l’espoir qu’elle pouvait être autre chose que cette bimbo dont on lui avait collé l’étiquette et ce, depuis qu’elle était au lycée. A l’époque où elle arpentait encore les couloirs du lycée, Esthell faisait partie des peoples. Caractère superficielle, physique à en en faire tomber plus d’un, chefs des cheerleaders, copain quaterback, et fille à papa, elle remplissait tous les critères à merveille pour pouvoir entrer dans le cercle fermé et très prisé des populaires. Cette réputation la suivait depuis tellement longtemps. Peut-être trop longtemps. Elle posa son regard une dernière fois sur Lukas et lui sourit, en coin.
« Au revoir Lukas. »